mardi 1 mai 2012

Le commencement

ANTHOLOGIE DES ARTS ROMANTIQUES


Le culte de la nature
et
le sentiment amoureux

Préface


Préface

 Ici commence le voyage, un bref voyage au sein duquel tu verras, tu écouteras, tu liras et tu aimeras. Je t’amènerai à parcourir  les différentes facettes de l'amour et de la nature vues par divers romantiques du XIXème.
 Nous verrons dans cette anthologie que ce courant enivra peintres, musiciens et littéraires avec qui nous ferons cette promenade. A travers les années et les mers nous verrons que ces romantiques n'ont certes ni le même style ni les mêmes manières mais sont liés par les même valeurs et idées.
 Commençons par Chopin qui j’espère passionnera  tes oreilles, et te transportera jusqu’au mon de romantiques que nous allons explorer. Ces douces notes t’amèneront aux commencement de notre voyage des sens.
 Au début du XIXème en France, c’est l’arrivée du courant marqué par Lamartine qui est considéré comme précurseur, il témoigne ici de son amour pour la nature avec  Adieux à la mer . La nature chez les romantiques est considérée comme une œuvre d’art et fait l'objet de culte et d’admiration en donnant lieu à de nombreux poèmes, elle est  aussi considérée comme protectrice de souvenirs.
« Lorsqu'on jette un regard sur la création, une sorte de musique mystérieuse qui apparaît sous cette géométrie splendide la nature est une symphonie; tout y est cadence et mesure; et l'on pourrait presque dire  que Dieu a fait le monde en vers. »  Victor Hugo  
 Toujours en France Chateaubriand avec Les Mémoires d'Outre-tombe  qui  montre une attention presque religieuse au monde qui l’entours et ici plus particulièrement à la saison de l’automne. Les romantiques sont ébahies  et travaillent à décrire leurs sentiments et les images qu’ils ont de la création.  Ce culte se retrouve même en traversant la Manche  avec William Turner  qui nous livre en peinture un de ces plus beaux paysages avec  Le Dernier Voyage du Téméraire. Ce tableau nous transmet par ces couleurs la grandeur et la beauté incroyables de ce que Turner a contemplées.
 Mais le sujet préféré des romantiques c’est bien le sentiment amoureux donné dans sa forme dramatique. L’amour impossible, perdu, destructeur, torturé est le domaine de ces anti-classiques. Musset nous donne un poème de cet amour si moderne, A Juana , dans lequel s’expose la passion d’un été. Restant dans l’art des vers Lord Alfred Tennyson reprend la célèbre histoire de La Dame de Shalott et de son amour unilatéral pour Lancelot qui la mènera à la mort. Le romantique s’inspire des faits amoureux passionnés, tragiques et voués à l’échec.
 En image Delacroix illustre « l’amour » avec Roméo et Juliette au tombeau des Capulet, il s’intéresse à la passion interdite, la véritable amour qui ne peut être qu’impossible. C’est cette histoire qu’a choisie Eugène Delacroix pour représenter le romantisme en peinture.
 Le sentiment amoureux touche la sculpture, Le baiser de Rodin met en scène deux amants nus et qui ont parfaitement conscience de leurs nudités contrairement aux sculptures classiques, ce n’est pas une scène mythologique mais bien l’amour romantique, passionné, charnel, sensuel qu’a  témoigné Rodin dans cette scène qui donnera plaisir à tes yeux.
 Maintenant, prépare ta vue au magnifique, ton ouïe au sublime, ton esprit à la subtile beauté des mots. Bon voyage au monde du rêve et du sentiment.

Une peu de musique...


Chopin, Nocturne

Les Nocturnes, op. 9 sont un ensemble de trois nocturnes écrites par Frédéric Chopin entre 1830 et 1832 et dédiée à Madame Camille Pleyel, elles furent publiées en 1833. En effet les nocturnes sont basés sur les sentiments du compositeur et une grande liberté rythmique qui sont les qualités d’une musique romantique. J'ai choisi ce morceau comme le son qui vous accompagnera le long de cette anthologie.












Frédéric Chopin (1810 – 1849.)

Chateaubriand


Mes joies de l’automne


Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes : on se sent mieux à l'abri des hommes.

Un caractère moral s'attache aux scènes de l'automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s'affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.

Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes, le passage des cygnes et des ramiers, le rassemblement des corneilles dans la prairie de l'étang, et leur perchée à l'entrée de la nuit sur les plus hauts chênes du grand Mail. Lorsque le soir élevait une vapeur bleuâtre au carrefour des forêts, que les complaintes ou les lais du vent gémissaient dans les mousses flétries, j'entrais en pleine possession des sympathies de ma nature. Rencontrais-je quelque laboureur au bout d'un guéret ? je m'arrêtais pour regarder cet homme germé à l'ombre des épis parmi lesquels il devait être moissonné, et qui retournant la terre de sa tombe avec le soc de la charrue, mêlait ses sueurs brûlantes aux pluies glacées de l'automne : le sillon qu'il creusait était le monument destiné à lui survivre. Que faisait à cela mon élégante démone ? Par sa magie, elle me transportait au bord du Nil, me montrait la pyramide égyptienne noyée dans le sable, comme un jour le sillon armoricain caché sous la bruyère : je m'applaudissais d'avoir placé les fables de ma félicité hors du cercle des réalités humaines.

Le soir je m'embarquais sur l'étang, conduisant seul mon bateau au milieu des joncs et des larges feuilles flottantes du nénuphar. Là, se réunissaient les hirondelles prêtes à quitter nos climats. Je ne perdais pas un seul de leurs gazouillis : Tavernier enfant était moins attentif au récit d'un voyageur. Elles se jouaient sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs, comme pour éprouver leurs ailes, se rabattaient à la surface du lac, puis se venaient suspendre aux roseaux que leur poids courbait à peine, et qu'elles remplissaient de leur ramage confus.






Les Mémoires d'Outre-Tombe – Chateaubriand (1768-1848)
-Mémoires d'outre-tombe est une autobiographie de Chateaubriand, dont la rédaction commence en 1809 et s'achève en1841, avec le titre Mémoires de ma vie. Chateaubriand n'avait pas l'intention d'écrire ses mémoires, mais c'est lors d'une promenade au parc de Montboissier en 1817 qu'il entend le chant d'une grive, ce qui lui rappellera toute son enfance et le poussera à se mettre à l'ouvrage. Ici on voit encore que la nature est source d’inspiration pour les écrivains romantiques.

Adieux à la mer

Adieux à la mer, Lamartine.


Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu’une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.

Que j’aime à flotter sur ton onde.
A l’heure où du haut du rocher
L’oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au nocher !

Souvent, dans ma barque sans rame,
Me confiant à ton amour,
Comme pour assoupir mon âme,
Je ferme au branle de ta lame
Mes regards fatigués du jour.

Comme un coursier souple et docile
Dont on laisse flotter le mors,
Toujours, vers quelque frais asile,
Tu pousses ma barque fragile
Avec l’écume de tes bords.

Ah! berce, berce, berce encore,
Berce pour la dernière fois,
Berce cet enfant qui t’adore,
Et qui depuis sa tendre aurore
N’a rêvé que l’onde et les bois!

Le Dieu qui décora le monde
De ton élément gracieux,
Afin qu’ici tout se réponde,
Fit les cieux pour briller sur l’onde,
L’onde pour réfléchir les cieux.

Aussi pur que dans ma paupière,
Le jour pénètre ton flot pur,
Et dans ta brillante carrière
Tu sembles rouler la lumière
Avec tes flots d’or et d’azur.

Aussi libre que la pensée,
Tu brises le vaisseau des rois,
Et dans ta colère insensée,
Fidèle au Dieu qui t’a lancée,
Tu ne t’arrêtes qu’à sa voix.

De l’infini sublime image,
De flots en flots l’oeil emporté
Te suit en vain de plage en plage,
L’esprit cherche en vain ton rivage,
Comme ceux de l’éternité.

Ta voix majestueuse et douce
Fait trembler l’écho de tes bords,
Ou sur l’herbe qui te repousse,
Comme le zéphyr dans la mousse,
Murmure de mourants accords.

Que je t’aime, ô vague assouplie,
Quand, sous mon timide vaisseau,
Comme un géant qui s’humilie,
Sous ce vain poids l’onde qui plie
Me creuse un liquide berceau.

Que je t’aime quand, le zéphire
Endormi dans tes antres frais,
Ton rivage semble sourire
De voir dans ton sein qu’il admire
Flotter l’ombre de ses forêts!

Que je t’aime quand sur ma poupe
Des festons de mille couleurs,
Pendant au vent qui les découpe,
Te couronnent comme une coupe
Dont les bords sont voilés de fleurs!

Qu’il est doux, quand le vent caresse
Ton sein mollement agité,
De voir, sous ma main qui la presse,
Ta vague, qui s’enfle et s’abaisse
Comme le sein de la beauté!

Viens, à ma barque fugitive
Viens donner le baiser d’adieux;
Roule autour une voix plaintive,
Et de l’écume de ta rive
Mouille encor mon front et mes yeux.

Laisse sur ta plaine mobile
Flotter ma nacelle à son gré,
Ou sous l’antre de la sibylle,
Ou sur le tombeau de Virgile :
Chacun de tes flots m’est sacré.

Partout, sur ta rive chérie,
Où l’amour éveilla mon coeur,
Mon âme, à sa vue attendrie,
Trouve un asile, une patrie,
Et des débris de son bonheur,

Flotte au hasard : sur quelque plage
Que tu me fasses dériver,
Chaque flot m’apporte une image;
Chaque rocher de ton rivage
Me fait souvenir ou rêver..




Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques 1820.
-Ce poème raconte l’admiration de Lamartine pour la nature et plus particulièrement ici pour la mer. Ce poème romantique évoque le culte de la nature. On remarque que la nature l’apaise et lui procure des sentiments, elle le fait rêver mais plus encore elle est garante de souvenirs importants aux yeux du poète tout en lui donnant inspiration.

A Juana, Musset


A Juana

O ciel ! je vous revois, madame,
De tous les amours de mon âme
Vous le plus tendre et le premier.
Vous souvient-il de notre histoire ?
Moi, j’en ai gardé la mémoire :
C’était, je crois, l’été dernier.
Ah ! marquise, quand on y pense,
Ce temps qu’en folie on dépense,
Comme il nous échappe et nous fuit !
Sais-tu bien, ma vieille maîtresse,
Qu’à l’hiver, sans qu’il y paraisse,
J’aurai vingt ans, et toi dix-huit ?
Eh bien ! m’amour, sans flatterie,
Si ma rose est un peu pâlie,
Elle a conservé sa beauté.
Enfant ! jamais tête espagnole
Ne fut si belle, ni si folle.
Te souviens-tu de cet été ?
De nos soirs, de notre querelle ?
Tu me donnas, je me rappelle,
Ton collier d’or pour m’apaiser,
Et pendant trois nuits, que je meure,
Je m’éveillai tous les quarts d’heure,
Pour le voir et pour le baiser.
Et ta duègne, ô duègne damnée !
Et la diabolique journée
Où tu pensas faire mourir,
O ma perle d’Andalousie,
Ton vieux mari de jalousie,
Et ton jeune amant de plaisir !

  Ah ! prenez-y garde, marquise,
  Cet amour-là, quoi qu’on en dise,
  Se retrouvera quelque jour.
  Quand un cœur vous a contenue,
  Juana, la place est devenue
  Trop vaste pour un autre amour.
  Mais que dis-je ? ainsi va le monde.
  Comment lutterais-je avec l’onde
  Dont les flots ne reculent pas ?
  Ferme tes yeux, tes bras, ton âme ;
  Adieu, ma vie, adieu, madame,
  Ainsi va le monde ici-bas.
  Le temps emporte sur son aile
  Et le printemps et l’hirondelle,
  Et la vie et les jours perdus ;
  Tout s’en va comme la fumée,
  L’espérance et la renommée,
  Et moi qui vous ai tant aimée,
  Et toi qui ne t’en souviens plus !






 Alfred de Musset
-Ce poème parle d’une passion d’un été entre de Musset et Juana une marquise espagnole, il raconte un amour impossible et défendu ce qui s’inscrit parfaitement de le courant romantique car il est dramatique dans le sens où les seules véritables passions sont impossibles et vouées a l’échec.
Alfred de MUSSET (1810-1857) (Recueil : Premières poésies) 1829-1835.

La Dame de Shallot


La Dame de Shallot


           Partie I


Il y a là une rivière.
Sur l’une et l’autre berge,
S’étirent à l’infini des champs d’orge
Et de seigle.
Et ceux-ci d’adorner l’étendue de la plaine
Jusqu’au ciel ;
Il y court un chemin
Qui fuit à travers champ, là-bas
Jusqu’aux mille tourelles de
l’éternelle Camelot ;
Là, passent et repassent les badauds,
Les yeux tournés vers cet endroit
Où s’efflorent des lys,
Autour de cette île-là, en contrebas :
C’est l’île de Shalott.

Et les saules blanchissent ;
Et les trembles frémissent ;
Et des cendres dorées à la brune éblouissent
Cette vague dolente qui, à tout jamais, glisse
Contre l’île esseulée au milieu des deux rives,
Où s’épanchent ces flots
Qui s’en vont, là-bas, vers Camelot.
Quatre murailles solitaires, et quatre tours meurtrières,
Surplombent un spacieux parterre
De fleurs délétères ;
Cet îlot silencieux empierre
La Dame de Shalott.


Près de la berge, qu’ombragent les saules
Voguent de lourdes barges qu’entraîne l’épaule
De quelque cheval nonchalant ; et la chaloupe,
Inaperçue, glisse sa voile soyeuse et souple
Là-bas, vers Camelot :
Mais qui, qui l’a jamais contemplée ?
Est-elle, le soir, à sa croisée ?
Qui dans ce pays la connaît,
La Dame de Shalott ?


Sont-ce ces rares faucheurs ? Eux qui, tôt le matin,
Au milieu des champs d’orge échevelés,
Disent entendre sa voix claire et enjouée -
Chantant depuis la rivière, et dont l’écho
Voyage, au loin, jusqu’à Camelot ?
Est-ce le triste berger, à la clarté lunaire,
Occupé à sa tâche, au sein des hautes terres ?
Lui s’arrête, dit-il, écoute et puis murmure : "C’est la
Dame-fée de Shallot".

Partie II

C’est là-haut dans sa tour
Qu’elle tisse nuit et jour
Une toile magique aux couleurs flamboyantes.
Quelqu’un lui a soufflé
Qu’elle est perdue si jamais
Elle descend vers Camelot.
Elle ne sait d’où vient ce maléfice,
Aussi, continûment, elle tisse,
Et n’a d’autre souci que de tisser,
La Dame de Shalott.


Dans son miroir aux reflets clairs
Qui gît près d’elle l’année entière,
Passent des Ombres d’Ici-Bas...
Là, elle a vu la route proche
Qui s’effiloche vers Camelot ;
Vu la rivière éperdue,
Vu les rustres aux faces bourrues,
Et les ingénues aux mantes pourpres ;
Qui s’en vont au marché,
Là-bas, loin de Shalott.

Tantôt un groupe de jouvencelles,
Ou un abbé, s’en vont promenant.
Tantôt un page, aux cheveux longs, robe vermeille,
S’en va jusqu’aux tourelles de Camelot.
Alors, au cœur du miroir bleu,
Vont les chevaliers deux à deux :
Or Elle n’a pas de sigisbée,
La Dame de Shalott.


Mais elle aime à tisser, tristement, dans sa toile
Ces visions féériques que son Miroir dévoile,
Car bien souvent, dans la nuit solitaire,
Un convoi funéraire,
Escorté de panaches, et de lumières,
Et de musique amère,
S’en allait vers Camelot.
Et là, sous la Lune pleine,
Venaient languir deux jeunes mariés :
"Comme je suis lasse des ombres", dit-elle
La Dame de Shalott.


Partie III

Ainsi qu’un coup d’Archer
Qu’on eût tiré du toit de son humble palais
Il filait, à travers les champs d’orge fauchée ;
Et l’astre du jour, dans les feuilles, étincelait
Mordorant tour à tour les jambières cuivrées
Du hardi Lancelot.
Lui, preux chevalier, à vie s’agenouillait
Au pied d’une Dame, et son lourd bouclier
Luisait au milieu des champs mordorés,
Là-bas, loin de Shalott.

Sa bride gemmée scintillait, libre, à son côté.
Ainsi voit-on à quelque faisceau d’étoiles
De la Galaxie dorée, s’accrocher
Toute la Toile.
Et d’elle, les grelots résonnaient
Comme Il chevauchait, plein de gaieté
Vers Camelot ;
Et là, attachée au baudrier brodé
Du blason de sa lignée,
Un puissant clairon s’agrippait
Tout en argent fabriqué,
Et dans sa chevauchée, sa belle armure claquait,
Là-bas, loin de Shalott.


Là, dans l’azur d’un ciel immaculé
Tout incrustée de gemmes, sa selle de cuir
Brillait ;
Et son casque, à la fière penne
Brûlait d’un feu-fäée,
Comme Lui chevauchait
Là-bas, vers Camelot.
Ainsi qu’on voit, souventefois,
Sous le dôme étoilé de la nuit,
Quelque météore qui luit,
Echevelé, et traînant avec lui sa gloire,
Ainsi s’éloignait-il, dans le soir,
S’éloignait-il de Shalott...



Le triste crépuscule éclairait son front pâle ;
Sur des sabots dorés courait sa fière cavale ;
Et de son casque s’épanchaient
Ses boucles sombres comme il filait
Filait toujours vers Camelot.
Depuis la berge, qu’empiège la rivière,
Son image hanta le Miroir de verre,
" Tirra lirra", à la berge fière
Chantait-il, Lancelot.


Elle quitte son voile, quitte son siège,
Fait quatre longs pas dans la pièce ;
Voit le lys d’eau qui croît,
Et le casque empenné aussi voit :
Elle tourne l’œil vers Camelot.
Vole le voile, et flotte en l’air ;
Brise Miroir d’aile en aile ;
" Me voici perdue", gémit-elle
La Dame de Shalott...
Part IV


Dans l’orageux Vent d’Est ici-bas s’essoufflant,
Les bois pâles, jaunissants, s’effeuillent languissamment ;
Et le frêle ruisseau s’écoule plaintivement,
Comme le ciel, près des terres, s’éplore sinistrement,
Sur les tourelles de Camelot ;
Ce soir Elle descendit et trouva un esquif
Sous un saule, laissé seul, à la dérive... Puis,
Autour de la proue, elle inscrivit ces signes :
La Dame de Shalott.


Lors, au-delà du cours sombre et houleux,
Ainsi qu’un nécromant affrontant en sa transe,
La Vision d’une vie de Malchance -
Sous le masque d’une froide contenance,
Regarda-t-elle vers Camelot.
C’est ainsi qu’à la nuit naissante,
Rompant la chaîne, s’étendit indolente
Au sein de l’esquif qui l’emporta,
Loin de là,
La Dame de Shalott...


Couchée, dans sa robe d’albâtre
Qui de çà, de là, autour d’elle folâtre -
Des feuilles légères sur sa joue blanchâtre,
Tombant parfois - en cette nuit aux mille échos,
Elle flotta, doucement, vers Camelot.
Et comme l’esquif allait longeant
Ces verts coteaux plantés de saules,
Où dorment les champs,
Là, dit-on, elle chanta
Son dernier chant,
La Dame de Shalott.


Un air joyeux, dit-on, plein de mélancolie,
Chanté à haute voix, lentement, clairement,
Jusqu’à que son sang se fige entièrement,
Et que ses yeux se voilent totalement,
Tournés vers Camelot...
Car, avant qu’à la marée,
Sa nacelle touche à la cité,
Chantant son air,
A trépassé,
La Dame de Shalott.


Sous les tourelles, et les balcons fleuris,
À côté des jardins et des galeries,
Flottait cette ombre diaphane,
Morte au milieu des maisons, si pâle
Et silencieuse dans Camelot...
Puis ils sont sortis sur les quais,
Dame et seigneur, bourgeois et chevalier,
Et là, sur la proue, ont déchiffré :
La Dame de Shalott.


Qui donc est-ce ? Mais qu’arrive-t-il ?
Lors tout près, dans le palais illuminé,
Meurt l’écho de la gaieté ;
Et tous, effrayés, de se signer,
Les chevaliers de Camelot ;
Mais Lancelot se fraie un passage,
Il dit : "Quelle beauté en son visage ;
Puisse Dieu lui accorder sa grâce,
À la Dame de Shalott."





The Lady of Shallot
Alfred Lord Tennyson - 1843 
Ce poème  anglais fut  rédigé par Alfred Lord Tennyson en  1843, il décrit le tragique destin d’une héroïne Hélène d’Astolat rebaptisée La dame au lys ou encore la dame de Shallot. Cette dramatique histoire d’amour sans retour montre parfaitement le romantisme de l’auteur et de ce texte qui d’ailleurs est tiré du de la célèbre histoire du roi Arthur au Moyen-âge.
Ce poème révèle les sentiments amoureux de la dame de Shallot qui la mèneront à une fin tragique, très apprécié des romantiques.










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